A moins d’habiter sur la planète Mars, vous avez forcément entendu parler de la nouvelle Freebox v6, qui a fait l’objet la semaine passée d’une communication bien orchestrée par la maison mère de l’opérateur, Iliad, et menée tambour battant par un Xavier Niel que certains ont rapproché de Steve Jobs. Plutôt flatteur, et assez significatif de l’avance considérable prise par Free en termes de communication et de relations aussi bien avec les internautes (voir leur premier Concept store à Nancy, tenue par la « communauté » des abonnés, c’est inédit, étonnant… et économique pour rester poli) qu’avec la presse (la fameuse invitation mystère).
Le déploiement du lancement était en tout cas à la hauteur de l’enjeu, puisque Free joue là une carte importante, si ce n’est son plus gros dernier atout avec la véritable bataille qui se déroulera en 2012, au moment où Free devra assurer le rôle de 4e opérateur mobile en propre (aux côtés d’Orange, SFR et Bouygues Telecom, qui sont les trois seuls à pouvoir proposer aujourd’hui les fameuses offres « quadruple play », qui combinent le classique TV+téléphonie fixe+internet en ajoutant la téléphonie mobile). Et ce après une année riche en déconvenues qu’illustre bien la perte pour le “trublion” de la 2nde place parmi les opérateurs au profit de SFR.
J’analyserai donc ce lancement dans la perspective de 2012 et de ce que cela implique en termes de positionnement.
Commençons par les menus détails qui m’ont fait réagir.
* Le tout compris peut-il tout assurer ? La guerre culturelle que livre Free aux autres opérateurs sur le thème du tout-compris se poursuit, et c’est plutôt étonnant à l’heure où la concurrence a préféré brouilles les pistes du « triple play à 30 euros » pour s’adapter au plus près des attentes de leurs clients. Ceux qui ne regardent jamais la télévision, ou qui ne téléphonent pas avec la ligne fixe, peuvent trouver facilement des offres « à la demande » ou presque. La nouvelle Freebox v6 se veut intégrale et intégratrice, mais à quel prix ? Il est évident qu’elle ne pourra être « bonne partout », et un simple coup d’œil aux jeux vidéos présentés fait doucement rigoler les hardcore gamers (également cible clé de Free, d’où Rodolphe, Hadopi, etc). Point noir évident du tout compris : si l’un des éléments vient à défaillir, il faut donc tout rapporter, se priver du reste des services. Et si la parade est celle d’une réparation sous 10h, c’est le modèle économique qui risque d’en prendre un coup.
Puisqu’on vous dit qu’elle fait tout !
* Des options inutiles ? Pour faire gonfler le prix, rien ne vaut quelques options clinquantes, qui au final n’apportent à mon humble avis pas grand chose. Le lecteur Blu-Ray HD ? Ceux qui en rêvent l’ont déjà, sans parler du parc de Playstation 3 qui comprend ce type de lecteur. La HD existe aussi en flux pour peu que les débits soient suffisants. Les jeux vidéos « maisons » ? Nous l’avons vu, les propositions sont loin des grandes licences (Call of Duty pour n’en nommer qu’une) et de la « patte » de certains game designers ou grands auteurs (Peter Molyneux et sa série des « Fable »). Côté téléphonie, les connaisseurs du circuit peuvent s’étonner de l’effet produit par l’offre de téléphonie illimitée vers les portables. Si le prix, pour le public, d’un appel d’une box vers un mobile avoisine les 15cts/min (hors mise en relation, en heures pleines), le prix qu’un opérateur reverse à un autre est désormais de 3cts/min… je vous laisse en déduire le faible coût de la proposition pour Free et surtout la marge que tous peuvent en retirer. Autre statistique intéressante, la durée moyenne des appels de fixes vers mobiles est de 13 minutes par mois et par foyer. Proposer un illimité qui ne coûte rien à des gens qui ne s’en servent pas, il fallait un peu d’astuce marketing.
* Hausse des prix et frais d’installation chers. La migration des anciens abonnés, quelle que soit l’ancienneté, coûtera 119,90 euros (“frais d’installation”). C’est beaucoup, beaucoup plus que chez les autres opérateurs, même en l’absence de frais de résiliation. C’est un peu comme la « taxe Baroin-Sarkozy » que Xavier Niel inscrira en sus de la facture, lui permettant de conserver un prix d’appel (faussé) à 29,90 euros dans certains cas. Pas sûr que ceci fasse illusion longtemps, puisque désormais c’est bien 35,99 euros qui seront dus mensuellement. Il y a moins cher presque partout ailleurs.
Pas de conclusion, à vous de vous faire votre propre idée de la Freebox v6 avec les éléments glanés ici et là, il me semblait important de proposer d’autres points de vue. A noter, dans la même veine, l’article paru sur Ecrans : « Ne pas prendre la V6 pour une lanterne », qui vaut le détour au-delà de l’excellent jeu de mots.